Elisabeth, accueillante au comité du Havre

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Elisabeth, qui est accueillante depuis plusieurs années au comité du Havre, a accepté de témoigner du vécu des personnes rencontrées et de nous parler du rôle des accueillant.e.s .
 
Les personnes reçues ont-elles toutes le même profil ?
Non, Il y a tout d’abord les personnes qui rencontrent des difficultés passagères, un problème de santé, une grosse facture à payer. Il y a ensuite les personnes qui sont en souffrance depuis longtemps. Les difficultés financières durables amènent souvent une auto-dévalorisation et la peur de tomber dans l’exclusion. La troisième catégorie, ce sont ceux qui n’arrivent plus à rebondir, les sans-logis, jeunes ou moins jeunes, qui n’ont pas trouvé les aides adaptées et qui sont dans le renoncement. Ce sont les cas les plus rares, mais malheureusement aussi, ceux pour lesquels il est difficile de trouver des solutions.
 
Quels sont les besoins non-satisfaits ou les situations qui sont vécus le plus douloureusement ?
Ne pas avoir un emploi est la première frustration ressentie. Viennent ensuite l’obsession des factures à payer, le fait de ne pas pouvoir offrir aux enfants ce qu’ils désirent, de vivre des journées qui se ressemblent trop, de ne pas avoir de sorties, de ne pas partir en vacances. De façon étonnante, la fracture numérique n’est pas vécue comme un handicap majeur, sauf pour les personnes très âgées. Les assistantes sociales sont là le plus souvent pour les aider dans leurs démarches.
 
Que disent ces personnes de leur vie, de la façon dont elles voient leur avenir ?
En général, elles parlent peu de ce qu’elles vivent. Et puis, nous ne les questionnons pas. Les femmes parlent peut-être plus facilement que les hommes. Les migrants parlent beaucoup de l’avenir de leurs enfants et attachent beaucoup d’importance à leur réussite scolaire, car ils y voient encore le meilleur moyen de réussir leur intégration.
 
Ont-elles l’impression d’avoir les mêmes droits que tous les citoyens ?
Non, le sentiment d’injustice est très fort, ce qui entraine souvent colère et découragement. Parfois, même les règles communes au SPF sont mal acceptées, vécues comme discriminantes. Des personnes aidées se plaignent alors d’être moins bien traitées que d’autres. Il est donc important de bien expliquer notre fonctionnement, de leur faire comprendre que l’aide peut être différenciée selon les situations.
 
En quoi consiste le travail des accueillant.e.s ? 
Le Secours populaire se doit d’accueillir inconditionnellement les personnes d’où qu’elles viennent et quelles que soient les raisons pour lesquelles elles s’adressent à nous. Nous savons que nous ne pouvons pas résoudre tous leurs problèmes. Nous sommes des généralistes de la solidarité, pas des spécialistes en tout. Mais nous aidons les personnes à définir leurs besoins et les orientons vers les structures qui pourront leur apporter une aide spécifique. Les accueillant.e.s  ont à leur disposition un carnet d’adresses mis à jour régulièrement pour orienter les personnes accueillies. Ils / elles sont aussi fréquemment en contact avec les foyers, le CCAS, les A.S et les différentes structures existantes.
Le premier accueil est très important. C’est souvent une démarche difficile pour des personnes soucieuses de garder leur dignité. Nous laissons les gens s’exprimer librement, il faut savoir écouter, ne pas poser de questions, ne pas faire de remarques qui ressembleraient à un jugement. Nous leur expliquons que la solidarité est un échange, qu’ils peuvent eux aussi se montrer solidaires en nous aidant dans les collectes, les campagnes de paquets-cadeaux ou en devenant bénévoles. 
Leur faire ressentir qu’ils ne sont pas seuls, les aider à retrouver confiance en eux, les mettre en mouvement pour qu’ils restent ou redeviennent acteurs de leur vie, leur proposer des solutions mais en les laissant accomplir les démarches, c’est le message que nous voulons faire passer.