Blaye, territoire enclavé mais solidarité en développement !

France

A Blaye, toute l'équipe de bénévoles coordonnée par Tom se mobilise pour faire face à l'aggravation de la précarité ressentie dans ce territoire du Nord de la Gironde où le taux de pauvreté dépasse les 18% de la population, le taux de chômage les 15%. Rencontre avec ces bénévoles déterminés-es.

C’est lundi, le seul jour où Silima peut venir au cours dès le matin. Le reste de la semaine, le jeune Malien se lève quand Blaye dort encore à poings fermés. Depuis le début de l’année, il est en apprentissage dans une boulangerie de la ville. « Alors, jeune homme, on a revu ses tables de multiplication ? » C’est Astrid qui l’interpelle, à peine a-t-il eu le temps d’ôter son casque de scooter. Silima sourit, tente de répondre mais n’en a pas le temps… « Allez, 6 fois 8 ? », lance la professeure. « Ah non, pas la table de 8 ! », s’exclame le gamin, faisant exploser de rire toute l’assistance.

Le lundi donc, c’est cours de français au local du Secours populaire de Blaye. Mais ce matin, peu d’élèves se sont déplacés et Astrid n’a pas le moral au beau fixe ; elle fait le point de ses difficultés avec Tom, le responsable de l’antenne, pendant que Silima révise ses tables en compagnie de Gitana. Cette pharmacienne de 47 ans est originaire de Lituanie et voudrait rattraper son niveau en français pour pouvoir obtenir des équivalences de diplômes. Alors pour elle, comme pour Silima, hors de question de rater un cours.

« Tu vois, ils ne sont que deux ce matin, regrette Astrid, ce sont les plus motivés. Et la semaine prochaine, les habituelles reviendront mais sans avoir travaillé. Avec elles, je n’avance pas et je ne sais pas ce qu’elles attendent du cours ! » Les « habituelles », ce sont les dames Marocaines retraitées des travaux agricoles. « Elles viennent aux cours mais sont très éloignées du travail qui serait nécessaire pour apprendre vraiment le français, explique Astrid. Ce sont des femmes qui ne sont pas allées à l’école, ni ici ni dans leur pays d’origine… »

Face aux doutes d’Astrid, Tom écoute patiemment et rappelle les objectifs que les bénévoles de Blaye se sont fixés avec ces cours : « Si elles viennent ici et passent un bon moment, qu’elles retiennent deux-trois choses pour mieux se débrouiller dans notre langue, on aura fait notre travail… C’est de l’aide à la personne, et c’est déjà très positif. » Astrid entend, pas convaincue pour l’instant.

Pour elle, ces choses-là sont sérieuses. La première fois qu’elle a poussé la porte de ce local du Secours populaire, c’était il y a bientôt deux ans et c’était pour venir chercher un colis alimentaire. « Avec mon mari, on a monté une micro-ferme dans le coin, du maraîchage bio. C’est une vraie passion mais il y a des périodes vraiment difficiles financièrement… » Voilà pourquoi elle est venue faire la queue ici, dans le couloir en plein courant d’air, pour chercher de quoi se nourrir, elle, l’agricultrice…

Mais pas question de venir prendre sans donner en retour : « Qu’est-ce que je peux faire en échange ? », demande-t-elle dès son premier rendez-vous. Une proposition pas tombée dans l’oreille d’un sourd… Avec son expérience dans l’éducation populaire, Tom comprend vite qu’Astrid peut renforcer le cours de français tenu depuis 6 ans déjà par Christine, professeure à la retraite. Voilà comment, sous l’impulsion d’un responsable motivé et un brin obstiné, les cours de français de l’antenne de Blaye se sont développés, comme un peu toute l’activité de ce territoire enclavé au Nord de la Gironde.

Cours de français Blaye

La salle dans laquelle Silima et Gitana rigolent encore des difficultés du premier ? C’est la salle du club Sénior de la ville, dont Tom a obtenu l’utilisation une fois par semaine. Et ce formateur industriel en retraite ne manque pas d’idées pour développer l’activité. Depuis peu, Christiane et l’équipe du vestiaire tiennent leur braderie le samedi matin, en même temps que le marché. Le mardi, Tom voudrait bien pouvoir utiliser la salle de gymnastique toute proche, pour ouvrir un cours de Yoga : « on a une bénévole motivée et je suis sûr qu’on aurait des personnes intéressées. » Et ce n’est pas fini car les bénévoles ont mis en place depuis peu, un questionnaire sur les sujets qui pourraient intéresser les familles. Il y a déjà beaucoup de réponses et donc… beaucoup de nouvelles idées !

Surtout, Tom voudrait améliorer l’accueil de l’aide alimentaire, le fameux couloir au courant d’air qui fait encore grimacer Astrid. Ce lundi, ce sont Michel, Bob, Alain, Bernie et bien d’autres qui déambulent dans le couloir froid. Les hommes ont été ramasser les denrées mises de côté par les supermarchés locaux et les femmes agencent le tout dans le petit local en sous-sol. Mais le mardi, ce sont les 158 familles inscrites qui patientent en plein courant d’air, avant de récupérer leur colis. « Alors qu’il y a des locaux inutilisés autour, c’est anormal ! », insiste Tom, avec toujours une idée derrière la tête.

D’autant que dans le Blayais, l’activité ne manque pas. Certes, certaines familles s’en sortent, d’autres déménagent… Mais Tom et Bernie ont beau compter et recompter, ils enregistrent chaque semaine 10 nouveaux foyers à inscrire ! Des personnes seules (40% des personnes aidées), des familles monoparentales (25%), des retraités-es et tous les foyers rejetés jusqu’ici par la flambée immobilière qui sévit dans la métropole bordelaise.
Alors, à peine le repas convivial pris entre la dizaine de bénévoles présents-es, chacun-e repart à ses activités. Demain, c’est distribution alimentaire, il faut être prêts. A l’étage, Christine est arrivée et donne son cours hebdomadaire à Ajar, jeune maman marocaine qui tient son sage bébé dans les bras. Dans la salle du club Sénior, Astrid a retrouvé Silima, Gitana et un bout de sourrire. Cet après-midi, elle leur a demandé de se réapproprier un conte, l’ambiance est studieuse mais décontractée.

Tom lui, se fait aider par Emmanuelle pour remplir un fichier Excel et gérer les réponses du questionnaire aux familles. La jeune fille est au chômage et bénévole depuis peu. Tom voudrait en profiter pour développer autrement la communication de l’antenne… Toujours une idée derrière la tête, on vous dit !