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Témoignage au cœur de la première mission à Mayotte

Mis à jour le

Brigitte, médecin retraitée, bénévole du Relais Santé du Secours populaire de la Haute-Garonne a participé à la première mission d'évaluation des besoins à Mayotte du 20 au 27 décembre 2024. Elle nous raconte cette expérience pas à pas.

Suite au passage du cyclone CHIDO le 13 décembre 2024 sur l’île de Mayotte, je suis contactée par Houria T. Secrétaire Générale de la Fédération de la Haute-Garonne et membre du bureau national pour faire partie de cette première mission d’évaluation sur le terrain des besoins des populations sinistrées.

Je me demande comment je vais pouvoir aider : on sait déjà que les dégâts sont énormes, et je n’ai jamais été confrontée à des situations d’urgence. Mais je peux facilement me libérer même si Noël approche, alors la nécessité s’impose à moi.

Notre équipe est composée de 4 personnes du Secours Populaire Français Aline, Fabien, Christian et moi et de Axel journaliste qui a vécu 3 ans à Mayotte . Nous partons le 20 décembre de Paris vers La Réunion( pourquoi)

En plus de nos bagages personnels, nous convoyons 9 valises pleines de pastilles pour purifier l’eau, ainsi que 3 antennes satellites STARLINK, 100 batteries solaires, 3 pompes pour filtrer l’eau, 3 ordinateurs portables et quelques téléphones.

Objectif de la mission

Etape à La Réunion

A Saint-Denis nous retrouvons Nelson, photographe qui accompagnera la mission.

Le pont aérien est le seul moyen de rejoindre Mayotte, il est organisé depuis La Réunion. Il faut être inscrits sur des listes de passagers pour embarquer pour Mayotte, cela prend beaucoup de temps d’obtenir une réponse de la préfecture. Nous envoyons des mails, nous appelons la cellule de crise, des personnalités et des élus. La situation est la même pour tout le monde : des gendarmes, la protection civile, des électriciens attendent aussi. Aucune visibilité sur les dates de départ, ni sur les dates de retour.

Cette attente, l’incertitude pour le retour génèrent des interrogations et sont sources de stress. Nous ne sommes sûr de rien. Ce sera comme ça tout au long de notre séjour.

Pendant ces deux jours, nous avons loué un Van pour transporter notre matériel et rencontré Mohammad de l’association partenaire UNIR Océan Indien, qui va nous aider à rejoindre Mayotte et organiser pour le lendemain de notre arrivée sur l’île une rencontre avec 9 associations de terrain.

Nous avons pu visiter les locaux de UNIR OI et Mohammad nous a expliqué leurs missions: aide alimentaire pour 1200 familles, point info familles, lutte contre l’illettrisme et illectronisme, aide aux vacances des enfants, activité foot, cadeaux pour Noël, avec plus de 80 % de ce soutien focalisé sur Mayotte. Il a prévu un container d’eau qui va partir dès que possible.

Nous sommes prévenus de notre inscription sur les listes du pont aérien quelques heures avant notre départ. Du coup les choses se précipitent, car nous logeons à 1h de l’aéroport, chaleureusement hébergés et nourris par Marthe 87 ans, la tante d’Aline.

Finalement l’annonce du départ pour Mayotte est un soulagement, la possibilité enfin de poursuivre notre mission.

Découverte de Mayotte et des dégâts

Nous arrivons lundi 21 au soir, sans savoir où nous allons dormir, avec 3 jours d’autonomie en terme de nourriture et d’eau.

Surprise, nous sommes exceptionnellement hébergés à l’hôtel IBIS, à 5 minutes de l’aéroport.

L’hôtel a souffert du cyclone : pas d’électricité, pas de réseau, toit partiellement arraché, et réquisitionné pour l’armée.

Le lendemain, après avoir traversé sur une barge – la seule qui reste sur les 4 existant précédemment , les 3 autres ont été détruites – , nous accostons à Grande Terre, ravagée par le cyclone.

Là, nous attendent Saïd et Mélissa, permanents de l’association AEJM, qui soutient les étudiants et les jeunes de Mayotte. Ils nous conduisent à la SOMACO, centrale d’achats, où nous retrouvons Mohammad et les représentants de 9 associations solidaires.

Ils nous décrivent l’absence d’aide dans les villages, le peu de nourriture distribuée (1 litre d’eau par personne). Ce sont les habitants qui déblaient leur village et mettent les ordures sur le bas côté des routes. Les odeurs pestilentielles qui en découlent. Les routes ont été dégagées par l’armée et les services de l’état, protection civile, pompiers.

Ils disent leur méfiance vis à vis des mairies qui gardent les dons pour leurs propre agents. Quelqu’un ajoute qu’aujourd’hui tout le monde à faim et soif (il fait entre 35° et 38°).

Ils nous présentent leurs actions, à quels publics ils s’adressent, les lieux d’interventions répartis sur toute l’île et leurs attentes.

Avec les associations, sur le terrain

Le mardi 24, après deux heures d’attente pour avoir un peu d’essence dans des jerricans – on fait la queue comme les mahorais – Christian et Aline se rendent à Tsingoni, de l’autre coté de l’île pour rencontrer l’association HORIZON, déjà partenaire du Secours populaire (village Copains du Monde en 2023).

L’association HORIZON agit auprès des jeunes et des familles dans le domaine de la prévention santé et de l’éducation: purification de l’eau, usage de préservatifs, lavage des mains, jardins partagés – détruits par le cyclone comme leurs locaux et leurs réserves.

Notre association est le premier acteur à leur apporter de l’aide: Christian et Aline leur laisse une antenne satellite, des batteries solaires, des téléphones et une pompe pour filtrer l’eau avec des pastilles de purification. Pour eux c’est « Noël » !

Ce même jour, Mélissa nous conduit à Dembéni, siège de l’association AEJM. Elle ne reconnait plus son île : les forêts sont détruites. Elle y découvre des villages qu’elle ne voyait pas avant et pourtant cette route elle la connait puisque c’est celle qu’elle prenait pour aller au lycée. Partout des déchets et des arbres arrachés, des bidonvilles écroulés tôles au sol, d’autres déjà en cours de reconstruction. Sur ce trajet, je ne croise aucun véhicule de pompier pas de protection civile, pas d’ambulance. Mon incompréhension est totale. Où sont les secours ?

AEJM intervient auprès des jeunes et des étudiants. Ils ont un projet sur la santé sexuelle et affective, sujet on ne peut plus tabou à Mayotte et ont déposé une demande de subvention auprès de l’Agence Régionale de Santé. Le Secours populaire compte bien les aider sur ce sujet. Ils souhaitent aider les étudiants à suivre leurs cours car l’université est endommagée et on ne sait pas comment et quand ils pourront reprendre leurs études. L’association elle même est sinistrée car leur local, pourtant neuf et bien équipé en matériel informatique, a été inondé car le toit est abimé.

Nous leur attribuons le reste du matériel.

Solidarité et résilience

Nous passerons la nuit du 24 décembre chez une amie d’une bénévole du Secours populaire de l’Orne, en vacances, avec sa famille chez elle à Mayotte. Elle a vécu l’horreur du cyclone: les toits de leurs maisons pourtant en dur ont été soufflés, les pièces inondées. Il n’y a pas d’électricité au village ni de réseau Internet, sauf celui d’ORANGE qui fonctionne par intermittence.

Ils fêteront l’anniversaire d’un petit avec les copains et les cousins, malgré les dégâts et toute cette désolation.

Est ce que ça va ? Oui. Nous sommes en vie, alors le reste ça va, on va s’aider

Cette phrase je l’ai entendue et cette solidarité je l’ai réellement constatée au cours de ce séjour. Incroyable ! Partout où nous sommes accueillis, il y a du sourire dans leurs yeux et de la résilience dans leurs propos.

Relancer les cultures agricoles

Le 25 nous rencontrons Fouad Ali, président du Mouvement de Défense des Exploitants Familiaux de Mayotte (MODEF).

A Mayotte on se nourrit de poisson, de manioc, de bananes. La saison des pluies arrivant, il faut replanter et vite. Il revient sur les défis qui attendent « ceux qui cultivent la terre avec espoir et foi en la solidarité ». Le Secours populaire acte de les aider par l’apport de semences.

Fin de mission

Nous passons la nuit du 25 près de Mamoudzou, chez la maman de Saïd de l’association AEJM afin d’avoir du réseau et de pouvoir être contacté par la cellule de crise pour notre retour sur La Réunion.

Elle nous trouvera un hébergement pour les missions suivantes en cours de préparation en Métropole pour livrer des semences, du matériel et aider à la distribution de l’aide alimentaire. Elle nous dit et répète :

A votre retour, il faut crier pour Mayotte »

Après une journée d’attente devant l’aéroport, le dernier avion étant parti, nous passons notre dernière nuit à l’hôtel, grâce à la bonne volonté du responsable de l’hôtel IBIS. Il n’a pas le droit d’accueillir des civils mais nous héberge en tant que « Mission du Secours populaire français ».

Nous devons partir à 6h, mais le vol est supprimé du fait de mauvaises conditions météo. Il n’y a personne pour nous prévenir. Nous attendons.

En fin de matinée la porte de l’aéroport s’ouvre, un agent apparaît et commence à appeler des personnes. Nous faisons partie de cette fameuse liste. Nous embarquons après 30h d’attente.

Dans l’avion je pense. J’ai le sentiment que les dégâts sont d’autant plus importants qu’elle a été abandonnée par l’état depuis longtemps. Et pourtant c’est une département français. Tant d’injustice me révolte.

Notre présence a permis de manifester concrètement notre soutien aux associations mahoraises partenaires et de les encourager. C’est important que l’aide soit gérée par les acteurs locaux.

Cette première mission a permis de préparer les deux suivantes, en collant aux besoins du terrain tels que exprimés par les personnes concernées. Finalement l’écoute sur le terrain est le meilleur moyen de s’assurer de l’adéquation de notre aide, de garantir un bon usage des fonds que les donateurs nous ont confié pour Mayotte, au plus près des personnes sinistrées.

Pour en savoir plus sur nos actions pour Mayotte :
– retrouvez l’interview du directeur de l’AEJM en date du 20 janvier sur notre site national
– suivez nous sur LinkedIn.

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