Baromètre Ipsos/SPF 2025: des millions de Français dans la crainte du lendemain

Le 11 septembre, le Secours populaire français lance sa campagne annuelle « Pauvreté – Précarité » en publiant les résultats de son baromètre Ipsos. Menée en France pour la 19ème fois, l’étude met en lumière une précarité de plus en plus installée depuis plusieurs années, qui dépasse largement la seule pauvreté monétaire et qui fragilise profondément le bien-être psychique des personnes en difficulté.
Signe que la précarité se diffuse dans la société et s’ancre dans le quotidien, près de trois Français sur cinq (57%) connaissent un proche vivant une situation de pauvreté, et 22% disent que cela touche un membre de leur propre famille. Nombre de personnes travaillent, à temps plein, parfois à temps partiel, mais n’arrivent plus à vivre dignement : parents isolés, jeunes actifs, étudiants contraints de cumuler emploi et études. Ces « travailleurs pauvres », exclus des dispositifs d’aides sociales car légèrement au-dessus des seuils, vivent une privation constante, souvent invisible pour rester digne.
34% des Français estiment qu’ils risquent de basculer dans la précarité dans les mois à venir; 59% redoutent de ne pas pouvoir faire face à une dépense imprévue (panne de voiture, facture de chauffage, frais médicaux). Ce climat d’incertitude permanent génère une angoisse quotidienne, qui fragilise autant les équilibres économiques que les liens sociaux et familiaux.

Les privations ne sont plus seulement alimentaires ou matérielles. Le baromètre 2025 révèle une progression alarmante des renoncements dans d’autres domaines fondamentaux. Ainsi, 64% des Français déclarent ne pas pouvoir faire de sorties ou de loisirs en famille – une situation qui s’est nettement aggravée depuis 2010, où seuls 28% considéraient que la pauvreté signifiait régulièrement rencontrer de grandes difficultés à accéder à des biens ou activités culturelles et de loisirs pour soi ou sa famille. Par ailleurs, 31% déclarent aujourd’hui ne pas pouvoir se procurer une alimentation saine pour faire trois repas par jour, alors qu’en 2010, seulement 7% associaient la pauvreté à des difficultés régulières à se nourrir sainement. Ces privations invisibles et normalisées dans la société touchent pourtant des besoins essentiels pour se construire, s’émanciper, se sentir pleinement intégré. Ne pas pouvoir partir en vacances, aller au cinéma, pratiquer un sport ou se déplacer, c’est aussi être privé de liberté et d’épanouissement. Cela provoque aussi de la colère liée à ces injustices.
Ces faits illustrent la vulnérabilité économique d’une grande partie de la population. Celle-ci vit au jour le jour avec l’angoisse des lendemains qui déchantent. Vivre sur le qui-vive est néfaste pour la santé mentale. Les privations permanentes pèsent encore plus cruellement sur le psychisme des parents qui ont répondu au baromètre: près d’un parent sur deux (49 %) confie se sentir coupable de ne pas pouvoir offrir à ses enfants ce qui leur fait envie.

La précarité affecte particulièrement les jeunes de moins de 35 ans, avec des indicateurs nettement plus élevés qu’en 2010, ce qui reflète un durcissement profond des difficultés que rencontrent la génération de jeunes aujourd’hui par rapport aux précédentes. Celles et ceux qui débutent dans la vie et qui devraient grandir dans la stabilité et l’espoir subissent au contraire trop tôt les effets de la précarité. Ainsi, 50% d’entre eux se déclarent mécontents de leur niveau de vie (contre 33% en 2010).
Cette génération est marquée par une forte inquiétude sur son présent et son avenir : 50% ressentent un fort sentiment d’angoisse, et plus d’un jeune sur cinq (22%) se dit même désespéré. Or, l’accès difficile au système de santé, qui laisse 40% des jeunes insatisfaits, aggrave cette souffrance psychique et physique en limitant leurs possibilités de soutien et de prise en charge. Par ailleurs, les difficultés à se nourrir sainement ou à participer à des activités culturelles et de loisirs ont fortement augmenté : 48% des jeunes ont du mal à accéder à une alimentation équilibrée (29% en 2010), et 56% rencontrent des difficultés pour profiter de loisirs ou activités culturelles (contre 44% en 2010).